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mardi, 13 mai 2014

L'Algérie I

 

algérie,virginie buisson

 

Extraits de L'Algérie ou la mort des autres, Virginie Buisson, 2000, Folio :

[...]

Mon père nous attendait à Alger, il était pâle, défait, comme  lorsqu'il est ému ou en colère.
Nous avions beaucoup de bagages et un chat dans un panier d'osier, c'était le chat de Jean-Pierre.
Nous avons fait les courses rue d'Isly. Mon père nous a montré l'hôtel Aletti, la Grande Poste, le début de la Casba et la mosquée-cathédrale.

Puis nous avons rejoint notre taxi, une traction noire. Le chauffeur était du village où nous allions, il disait que là-bas c'était calme.

Nous avons quitté la mer et roulé le long des orangeraies de la Metidja jusqu'à Larba. Ensuite, nous nous sommes engagés entre ravins et montagnes.

Mon père avait sa main posée sur son pistolet. En France, on écoutait les informations ; on entendait souvent : "Des hors-la-loi ont été mis hors de combat." Et on pensait qu'il ne devait plus en rester beaucoup.

Nous avons croisé des convois militaires ; je ne sais plus à quel endroit, j'ai vu un car renversé.
Une automitrailleuse nous a escortés dans les gorges de Sakamodi jusqu'à Tablat.
Il faisait très chaud, mes frères étaient malades, nous nous arrêtions souvent.
Je m'asseyais au bord de la route, le chauffeur m'apprenait l'Algérie, celle des gestes quotidiens : la façon d'ouvrir une orange, de prendre de l'eau dans ses mains, de se laver le visage ; je pensais à mon grand-père, à sa manière de manger des oignons et du pain, ici, c'était de la galette, mais il y avait aussi le partage.

Après quatre heures de route, nous sommes arrivés à Bir-Rabalou.

Le chef de gendarmerie nous a accueillis et nous a appris que des voyageurs européens avaient été égorgés dans un car le matin.
Puis il nous a emmenés dans notre logement : une villa à partager avec deux autres familles de gendarmes.

C'était une maison du début du siècle, au crépi jaune, au carrelage patiné, presque une ferme.

Il y avait une cheminée dans chacune des six pièces. Nous avions : une cuisine qui donnait sur la terrasse et une chambre qui s'ouvrait sur la cour de l'écurie.
Des femmes sont venues parler avec Maman, la nuit tombait, nous avons fait du feu dans la cuisine, on voyait à peine les montagnes, les arbres cachaient les maisons.

Mon père m'a emmenée à l'épicerie, elle était tout en bas du village, signalée par une lampe à pétrole.

Ces hommes emmitouflés de blanc, ces paquets roulés dans un épais papier gris, ces odeurs, tout était neuf.

J'aurais voulu rester seule, respirer et remonter doucement la rue de Bir-Rabalou, mais je commençais sans le savoir l'apprentissage de la liberté surveillée et mon père m'a ramenée à la maison.
Nous avons fait connaissance avec les voisins ; ils nous ont offert l'apéritif. Après, ils sont venus à la maison, mon père avait acheté de l'anisette et des olives à Alger.

En France, nous allions au café quand mon père rencontrait un copain de régiment, mais jamais nous n'avions eu d'apéritif chez nous.

J'aimais bien qu'il y ait du monde à la maison.

[...]

 

 

algérie, virginie buissonSe procurer l'ouvrage :

L'Algérie ou la mort des autres

Virginie Buisson

2000

Folio

96 pages

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