vendredi, 21 décembre 2012
Salvador et Gala
Source : Le Figaro, lundi 19 novembre 2012
"Nous nous étions tout de suite entendus", Michel Déon de l'Académie Française
Salvador Dali était le fils d'un notaire de Figueras, une très honorable famille aux idées larges et que l'idée d'avoir un rejeton passionné de peinture ne désespérait nullement, et même, probablement, flattait. Le notaire, sans passer pour un ambitieux, sut canaliser l'effervescence de son fils et imposer un début classique. Puisque Salvador aimait les arts et peindre, il irait apprendre non pas à avoir du talent, mais à se préparer une vie d'artiste à l'Ecole des beaux-arts de Madrid. Après, le jeune homme serait libre de s'envoler.
A 25 ans, Salvador monte enfin à Paris. Un rêve "sublime" commence en même temps que les surréalistes prennent le pouvoir. On accueille ce jeune impétrant comme un ovni qui n'arrivait pas dans la capitale française pour s'enrégimenter dans une secte aux apparences libertaires et, en réalité, menée à la trique par son plus puissant inspiré, André Breton, qui, d'ailleurs, perçut vite des failles dans l'adhésion du jeune Catalan et le baptisa "Avida Dollars". Il est également probable que le "club" des surréalistes apprécia peu l'enlèvement de Dali par l'épouse d'Eluard, Gala, la célèbre "Rediviva", la "Gala Gradiva" destinée à trôner dans l'oeuvre peinte du jeune catalan.
J'ai du plaisir à la citer alors qu'elle a été peu prisée par l'entourage passionné des "daliniens", sans doute parce que j'ai eu la chance de toujours la voir sous son meilleur jour : l'inspiratrice, la fée bienveillante, le modèle répété de tableau en tableau, mais aussi la gardienne de l'atelier, veillant à ce que les visiteurs ne repartent pas les poches pleines de petits trésors. La disparition de Gala signa la fin de Dali et jeta le chaos dans son oeuvre. [...]
Ce fut très court, mais je garde frais le souvenir du personnage qui amusait assez prodigieusement l'Amérique et que, peut-être, elle considérait comme un mégalomane dont les éclats, les mystifications, les coq-à-l'âne, la grandiloquence et jusqu'à cette façon de porter en ville ces costumes qu'en Espagne on dit cursi, ce rien de trop, ennemi de l'élégance. Que cherchait-il à masquer ainsi, sinon, et j'en eus la certitude plus tard, une solitude paralysante et peut-être une sensibilité parfois assez puérile ?
Il était heureusement dit que nous nous rencontrerions beaucoup plus - et même pendant des années - mais dans des circonstances moins glacées, et ce fut à Paris, où la Table Ronde d'alors souhaitait publier une version française de La Vie secrète de Salvator Dali par Salvador Dali, une autobiographie assez délirante. En fait, il s'agissait du manuscrit de l'oeuvre originale avec cette particularité que Dali l'avait écrit, à la main, en lettres capitales, en français, avec une totale et irrésistible ignorance de toute orthographe. Pour en saisir le sens, il fallait la lire à haute voix avec l'accent catalan-espagnol.
Le grand intérêt de cette oeuvre totalement spontanée était sa sincérité, je dirais même sa nudité, tant on y rencontrait d'éclairs, de nuits, de passages drolatiques ou bouleversants. A condition de le "traiter", ce livre contenait des pages extrêmement belles et révélatrices de l'espèce d'innocence de Dali, de sa foi, de son intelligence, de ses élucubrations politiques hors des pauvres temps que nous traversions. D'autres livres suivirent dont un Journal d'un génie (pas moins !) et Les Cocus du vieil art moderne. [...]
1904, naissance de Salvador Dali, à Figueras (Catalogne), le 11 mai. Il voit le jour neuf mois après la mort de son frère aîné qui avait été baptisé Salvador.
1922, il s'inscrit aux Beaux-Arts, à Madrid, où il rencontre Lorca et Bunuel.
1929, il s'installe à Paris, après un premier séjour en 1927. Il fréquente alors les surréalistes et se lie avec Gala, épouse du poète Paul Eluard. Dali et Gala se marient en 1934.
1939, pendant la guerre, Dali et Gala s'installent à New York.
1949, de retour en Europe, Dali et Gala se partagent entre Paris et la Catalogne.
En 1955, il donne à la Sorbonne sa conférence sur les "Aspects phénoménologiques de la méthode paranoïaque-critique".
1989, Salvador Dali meurt le 23 janvier, à 84 ans, à Figueras. Il y repose dans son Théâtre-Musée, édifié sur les ruines d'un théâtre détruit pendant la guerre civile. Dali a survécu sept ans à Gala qui s'est éteinte le 10 juin 1982, à 87 ans.
07:46 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Portraits de personnalités | Lien permanent | Commentaires (0)
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