jeudi, 20 décembre 2012
Salvador dandy
Dali dandy
Source : Le Figaro, lundi 19 novembre 2012
"La gloire du marquis de Pubol", Adrien Goetz
Les éditeurs cyniques parlent, dans leur jargon, des "livres pour non-lecteurs" et comme les "non-lecteurs" sont infiniment plus nombreux que les lecteurs, ce sont toujours des succès. Il existe aussi des artistes pour "non-visiteurs" d'expositions. Ils sont plutôt très bons, c'est ce qui distingue les musées des libraires : Magritte, Bruegel, Arcimboldo, Renoir, Hopper en ce moment au Grand Palais. Dali est le chef de cette petite troupe, le plus grand de ceux que tout le monde reconnaît au premier regard, ces artistes qui font plaisir à ceux qui n'y connaissent rien.
C'est qu'il est un excellent peintre pour classe terminale : il sert à tout. En histoire, les professeurs montrent les Six apparitions de Lénine sur un piano et L'Enigme de Hitler ; en philo, les élèves se délectent du célèbre et freudien Métamorphose de Narcisse ; en classe de lettres, les tableaux inspirés par Gala servent, juste retour des choses, à illustrer les poèmes d'Eluard.
Six apparitions de Lénine sur un piano
L'Enigme de Hitler
Métamorphose de Narcisse
Gala
Pour les historiens de l'art, Dali peut s'expliquer avec une clef unique, la fameuse méthode "paranoïa-critique", terme qui figure dans les titres de plusieurs tableaux et qu'on retrouve sans discussion chez presque tous ses commentateurs. Jean-Louis Gaillemin, dans son essai Dali. Désirs inassouvis (Le Passage), a décodé la genèse du mot : un terme soufflé à Dali par Breton, qui permit au Catalan d'abriter ses fantasmes, avec souvent beaucoup d'humour, derrière la toile tendue d'un solide alibi conceptuel. La méthode paranoïa-critique, c'est comme la moustache, ça ne sert à rien mais ça fait parler.
Pour les historiens moins attentifs, nourris au lait surréaliste, il y a un bon et un mauvais Dali. D'un côté le peintre génial des années 1920-1930, celui qui faisait scandale dans les sacristies avec son ami Bunuel et que le vicomte de Noailles avait le génie de financer. De l'autre, la marionnette des années 1970, bonimenteur de ses propres oeuvres, prêchant avant l'ouverture du Musée d'Orsay l'amour des peintres "pompiers" du XIXe siècle, plaçant Meissonier ou Bouguereau à l'égal de Vermeer, rallié au catholicisme sous Franco, aux mathématiques sous René Thom, à la physique quantique et au ruban d'ADN parce qu'il y voyait la présence de Dieu créateur caché dans l'infiniment petit. [...]
> A consulter également : http://divinedali.tumblr.com/
07:46 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Portraits de personnalités | Lien permanent | Commentaires (0)
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