mardi, 25 juin 2013
Considérations sur la mémoire - Jacqueline de Romilly
Jacqueline de Romilly (1913-2010)
Extraits de Le Trésor des savoirs oubliés, Jacqueline de Romilly, de l'Académie française, 1998, Ed. de Fallois
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A mon âge, je n'écrirai plus beaucoup de livres, mais je puis du moins profiter des trésors de la mémoire, et me laisser guider par elle, à l'aventure. Il m'arrive, depuis que je n'y vois plus, de rester de longs moments immobile, à laisser remonter en moi des souvenirs de toute espèce. Les uns sont personnels, souvenirs de voyages, d'amitiés, de rencontres. D'autres viennent de lectures et parfois je ne sais plus très bien faire le départ entre les gens que j'ai rencontrés dans la vie et ceux que j'ai rencontrés dans les romains. Cela multiplie le nombre des présences qui me font signe. Et, quelle que soit la nature de ces retrouvailles, elles me paraissent douces et émouvantes. Ce sont aussi, à l'occasion, des souvenirs acquis, des faits historiques qui tout à coup me reviennent sans que je sache pourquoi, parfois sous forme de petites rengaines, lointaines et amicales, parfois sous la forme d'imagnes fugitives mais resplendissantes. Il peut y avoir des souvenirs de peintures, ou de représentations dramatiques, tout ce qui m'a un jour traversée et étonnée. Dans ces moments de loisirs, et au terme d'une vie, on se rend très bien compte que ces souvenirs nous reviennent d'eux-mêmes, du fon de l'oublie. Peut-être nous reviennent-ils faussés, modifiés par l'imagination, et dans un grand désordre. Mais ce désordre même possède un charme particulier - comme si le temps soudain cessait de séparer les choses en catégories distinctes et vous les donnait, pour une fois, toutes ensemble. Cela s'appelle sans doute rêver. Mais il ne me déplaît pas qu'après toutes ces petites enquêtes reflétant ma vie professionnelle, avec ce désir qui fut mien de communiquer des connaissances, de les rendre précises, de les rendre suggestives et d'aider les autres à gagner cette clarté d'esprit qui m'a toujours paru si précieuse, je rencontre enfin, au terme du voyage, la rêverie.
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Il est sans doute quelque peu étrange qu'une personne qui n'y voit plus se plaise à des considérations sur ce qui nous permet d'apprendre à voir. Mais ce n'est pas si absurde qu'il y paraît. Depuis que je n'y vois plus, je découvre encore chaque jour les beautés du monde, ses étrangetés, ses laideurs, sa présence - parce que la littérature ne cesse de me les apporter.
> A consulter également : http://www.magazine-litteraire.com/content/rss/article?id=18057
Se procurer l'ouvrage :
Le Trésor des savoirs oubliés
Jacqueline de Romilly
1998
De Fallois
220 pages
En poche : http://www.amazon.fr/tr%C3%A9sor-savoirs-oubli%C3%A9s-J-R...
07:00 Publié dans Réflexions, philosophie, Thèse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jaqueline de romilly, le trésor des savoirs oubliés
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