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samedi, 31 août 2013

Graphie d'écrivain - Barbey d'Aurevilly

  

Remerciements à Romain Debluë
pour sa correspondance éclairante.

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... Il écrit en rouge, en rouge sang bien sûr, et il laisse trainer sa plume sur les tiges inférieures, comme s'il creusait la profondeur des caractères, avec autorité et dans tous les sens du terme...
... Barbey appuie effectivement sur sa plume qui m'a l'air fatiguée, râpeuse et taillée très épaisse, ce qui est peut-être volontaire de sa part...
... effectivement, la plume de Barbey semble râpeuse : elle est un bistouri qui, au sens propre, taille dans la feuille, lacère la page et en tire le sang dont ses romans et nouvelles s'abreuveront par la suite...

  

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Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889)

 

Graphein, en grec, signifie originellement : égratigner, écorcher ; de là, il est devenu synonyme d'égratignures signifiantes faites sur divers supports, c'est-à-dire synonyme de "graver", mais au sens le plus large possible, donc au sens d'écrire. Et de dessiner, aussi, puisque le dessin et l'écriture peuvent être, tous deux, signifiants comme nous le rappelle la calligraphie chinoise, par exemple. Plus tardivement, il a pris le sens de "rédiger, composer en prose".

Naturellement, l'étymologie la plus lointaine convient à merveille à l'écriture de Barbey, qui est une véritable écorchure de la page blanche.

Pour les autres, je pense que le sens courant soit tout à fait approprié, car parler de calligraphie serait sans doute excessif, surtout si vous comptez ajouter aux illustres précédents quelques petits cancres tels que Sartre !

(Romain Debluë, 2012) 

 

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Document photographié    

en vitrine de la librairie "Autographes"    

rue Bonaparte    

dans le VIème arrondissement de Paris.    

 

 

 

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> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html

 

vendredi, 21 septembre 2012

Considérations sur l'architecture - Romain Debluë

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Extrait de "L'art abstrait : imposture d'un oxymore", 2012, Romain Debluë

 

[...] le très significatif Centre Pompidou mérite, je crois, une mention spéciale et quelques lignes spécialement à lui consacrées tant son cas est limpide d'exemplarité, dont Baudrillard, encore, écrivait qu'il était "pour la première fois à l'échelle de la culture ce que l'hypermarché est à l'échelle de la marchandise." *

Premier musée qui assume pleinement et revendique, en portant haut les couleurs de l'industrialisation culturelle généralisée, la nouvelle condition du postart contempteur du Beau et contemplateur du Rien, il est aussi le premier monument à n'en être plus un, puisque le propre de ce genre de bâtiment était, lors d'héroïques époques où le métier d'architecte ne congruait point encore à celui d'éboueur, de constituer mieux et plus qu'une simple coquille à l'intérieur de laquelle on disposerait d'un espace protégé, c'est-à-dire de réaliser en quelque sorte une synthèse esthétique entre l'extérieur et l'intérieur, le contenu et le contenant.

Car de tels ouvrages dataient de temps historiques où point encore pour le spectateur lambda n'était-il besoin de constater la laideur de l'écrin pour apprécier les œuvres qui s'y trouvaient exposées. En revanche, lors des multiples expositions d'art contemporain, il vaut mieux - et c'est là que scintille comme un diamant méphitique le coup de génie de Renzo Piano et Richard Rogers - que l'environnement d'exposition constitue un monde assez immonde pour que la médiocrité des pièces, par contraste, s'en trouve suffisamment rehaussée ; ce afin de pouvoir offrir au visiteur myope la suave illusion de l'immarcescible talent là où il n'y est en réalité que fumiste esbroufe.

Ainsi, lorsque par inadvertance mentale on pénètre dans Beaubourg (que l'on aurait sans doute dû nommer Salebourg), l'on est tellement soulagé de ne plus avoir à supporter la vue de ses canalisations multicolores, érodées, démodées, patitubulaires, et autres impédiments aux surnaturelles aspirations de l'Homme vers le Beau, que l'on accepte comme une délivrance esthétique de premier ordre la moindre croûte qui nous peut tomber sous les yeux, sans n'être plus capable alors de la moindre réflexion critique, tant il nous en a coûté de pénétrer dans les intestins d'un aussi sinistre monstre, dont le seul avantage est d'offrir aux alpinistes téméraires une magnifique vue des toits de Paris.

Comme l'art contemporain, dont il n'est rien d'autre que la très symbolique cristallisation architecturale, il est impossible de regarder le Centre Pompidou de l'extérieur sans éprouver un dégoût général et particulier qu'aucun bâtiment, dans toute l'histoire des musées d'Europe sans doute, n'a jamais réussi à provoquer avec une telle intensité.

Mais, malgré le caractère résolument burlesque de telle mycètique excroissance urbaine, la possibilité même d'une aussi diabolique apparition dans le paysage architectural parisien plonge ses rhizomiques racines au plus profond des imbuvables déboires subits au début du XXe siècle par les arts plastiques, - entre autres. Ceux-ci se peuvent subsumer sous une bien précise notion, quoique coiffée d'une fort oxymorique dénomination : l'art abstrait. ** C'est-à-dire l'art sans Figure, l'art sans visage, l'art de l'ère consumante, consumée et consumériste, l'art des temps de l'anonyme et du général, de la désincarnation radicale et festive ; l'art qui de lui-même se "tire hors de" la réalité et du monde, qui s'échappe même de l'Être pour tendre de toutes ses forces faméliques vers une régression enthousiaste vers une bouillie de néant dont l'originellité fut instinctivement élevée au rang d'indiscutable Vérité de foi par les grouillants nihilomorphes des modernes temps de l'Informe.

 

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* Baudrillard, L'Effet Beaubourg. Implosion et dissuasion, Galilée, 1977, pp. 32-33.

** Et, par pitié !, que l'on n'oppose point à telle reconnaissance de paternité l'inepte argument de la diversité, d'ailleurs illusoire, de l'art contemporain car chacune de ses métamorphoses de surface, jusques aux plus tristes confins de l'hyperréalisme, ne sont que manière de commettre quelque habile variation sur ce même thème. La seule différence étant constituée par l'attitude qu'adoptent les néozartistes à l'égard du spirituel, soit le gommant radicalement (hyperréalisme, par exemple), soit en lui offrant la primauté intellectuelle radicale (art conceptuel). En tous les cas, esprit et matière se trouvent radicalement dissociés et la chair ainsi rendue irrémédiablement triste, hélas, car elle a visité tous les musées.

 

 

> A consulter pour le texte intégral et beaucoup plus : http://amicusveritatis.over-blog.com/article-l-art-abstra...