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jeudi, 22 novembre 2012

Un été 42 - Jennifer O'Neill

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Film : Un été 42 (1971, durée 1h43)

Réalisateur : Robert Mulligan

Musique : Michel Legrand

D'après les mémoires de Herman Raucher

Dorothy (Jennifer O'Neill), Herbert (Gary Grimes), Oscar (Jerry Houser), Bernard (Oliver Conant), Aggie (Katherine Allentuck), Miriam (Christopher Norris), le droguiste-épicier (Lou Frizzell)

 

¤     ¤     ¤

 

Voix off : Quand j'avais quinze ans, ma famille est venue passer les vacances dans l'île. Il y avait beaucoup moins de maisons et beaucoup moins de gens que maintenant. Le caractère de ville et la singularité de la mer étaient beaucoup plus remarquables à cette époque-là. Pour qu'un garçon ne meurt pas d'ennui, il fallait que sa famille soir sure que d'autres familles du voisinage fourniraient à l'île son contingent d'enfants. 

Pendant l'été de quarante-deux, il y avait en plus de moi Oscar, mon meilleur ami, et Bernard, mon second meilleur ami. Nous nous étions donné le nom de "trio terrible"

Cette maison isolée était celle qu'elle habitait. Personne, depuis la première fois que je l'ai vue, ni rien de ce qui m'est arrivé ensuite, ne m'a donné une telle sensation de peur et de confusion. Aucun des êtres que j'ai connus n'a autant fait pour me rendre plus sûr de moi et plus incertain, plus persuadé de mon importance et de mon insignifiance.

 

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Bernard : Hé, hé Oscar, regarde, c'est encore cette femme.

Oscar : Oh, Herbert, tu vas pas encore recommencer à te mettre en transe, non ? Ah, j'te l'jure, je sais pas ce qui te prend avec elle. Tu ne t'es pas encore aperçu que c'était une vieille ? Je vois pas l'intérêt, moi.

Bernard : C'est pour son esprit ! Leurs esprits vont peut-être se rencontrer et se dire "salut !".

Oscar : Tu devrais aller lui dire bonjour à son esprit, Herbert ! Vas-y, va lui dire bonjour.

Herbert : Ca va, écrase.

Oscar : Allez, vas-y, si elle est l'amour de ta vie, il faut que tu ailles la saluer. Allez, dépêche-toi, on veut te voir lui dire bonjour. T'es peut-être un tombeur formidable ? On n'en sait rien après tout.

 

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Dorothy : J'ai reçu une lettre de douze pages aujourd'hui !

Herbert : Oh c'est chic ça.

Dorothy : Oui alors, c'est chic !

 

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Dorothy : Vous avez beaucoup d'amis dans l'île ? 

Herbert : Euh, deux.

Dorothy : Ah.

Herbert : Mais c'est des types... pas très mûrs, vous voyez ?

Dorothy : Et qu'est-ce que vous faites pendant les vacances ?

Herbert : Il y a évidemment le basket qui me plaît. Mais j'trouve que ça vaut quand même pas le baseball. Au moins, au baseball, on n'a pas les épaules tombantes à force de dribbler.

Dorothy : Non, c'est très juste. Vous aimez la musique ?

Herbert : Oui, oui, je suis très musicien.

Dorothy : Ah, vous jouez d'un instrument ?

Herbert : Oui, je chante. Moi j'trouve que la voix, c'est une sorte d'instrument.

Dorothy : Oui, moi aussi.

Herbert : Et puis on peut toujours siffler pour changer.

Dorothy : C'est évident.

 

¤     ¤     ¤

 

Oscar : Comment ça a marché ?

Herbert : Pas mal.

Oscar : Qu'est-ce que t'as fait ?

Herbert : Oh j'lui ai tenu un nichon.

Oscar : C'est pas vrai !

Herbert : Pendant près de onze minutes.

Oscar : Sans blague ! Formidable !

Herbert : Onze minutes pleines.

Oscar : T'as chronométré ?

Herbert : Ouais. Le plus que j'avais fait c'était huit minutes avec Lily Harrisson.

Oscar : Alors t'as battu ton record.

Herbert : De trois minutes.

Oscar : Quel effet ça te faisait ?

Herbert : Comment l'effet que ça faisait ? L'effet d'un nichon !

Oscar : Pas plutôt l'effet d'un bras ?

Herbert : Un bras ?

Oscar : Oui.

Herbert : Non, ça faisait l'effet d'un nichon.

Oscar : Et moi j'te parie que c'était comme un bras.

Herbert : Pourquoi ça aurait été comme un bras ?

Oscar : Parce que c'en était vraiment un.

Herbert : Non mais sans blague, t'es pas un peu cinglé ?

Oscar : C'que tu tenais, c'était son bras. J't'ai regardé, c'est justement pour ça que j'te dis ça. Tu lui a serré le bras pendant onze minutes, hé patate ! Alors ton record de huit minutes avec Lily Harrisson tient encore.

Herbert : T'es un menteur et un dégueulasse !

Oscar : Oh, j'te mentirais pas pour un bras, Herbert.

Herbert : C'était un bras ? Oh merde alors, dire que je m'excitais juste à cause d'un bras.

Oscar : Oui, mais c'était un très joli bras.

Herbert : T'es un beau salopard !

Oscar : Quoi ?

Herbert : Un beau salopard ! Pourquoi tu m'l'as dit ?

Oscar : Quoi ?

Herbert : Pourquoi tu m'as pas laissé croire que c'était un nichon ?

Oscar : Il fallait que tu saches la vérité. Il faut que tu t'instruises pour pas faire la même gourance une autre fois.

Herbert : T'as seulement voulu me gâcher mon souvenir, espèce de salopard.

Oscar : Oh, dis, moi j'en ai rien à foutre si tu passes toute ta vie en t'amusant à serrer des bras. Mais il faut que tu vois la réalité, surtout si tu chronomètres tes performances pour battre des records.

Herbert : Oh j'crois que t'as raison. Bon Dieu, je pourrai plus jamais la regarder en face.

Oscar : T'auras qu'à lui dire de mettre des manches longues.

Herbert : Un bras, c'est pas vrai !

Oscar : Un bras de onze minutes !

Herbert : Un bras ! Un bras !

Oscar : Lily Harrisson, ton record est toujours bon !

Herbert : Lily Harrisson ! 

 

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Dorothy : Mais qu'est-ce qu'il y a ? Vous vous sentez bien ?

Herbert : Euh oui.

Dorothy : Vos jambes tremblent.

Herbert : J'crois que l'escabeau est pas très solide.

Dorothy : Vous voulez que je vienne ?

Herbert : Vous pouvez me passer un autre paquet maintenant.

Dorothy : Voilà, c'est le dernier. Ca y est, vous pouvez descendre. Vous m'avez bien aidée. Ecoutez, cette fois, il faut que vous me laissiez vous donner un peu d'argent.

Herbert : Non-non, je veux pas d'argent, merci.

Dorothy : Oh, mais il faut accepter. Jamais je ne serais arrivée à monter ces boites au grenier à moi toute seule.

Herbert : Non, vraiment. Je vous aime bien.

Dorothy : Vous êtes très gentil, Herbert, je vous aime bien aussi.

Herbert : Je veux dire, il n'y a pas beaucoup de gens que j'aime.

 

¤     ¤     ¤

 

Oscar : Ah, j'aimerais les peloter toutes, les filles. Tu sais, j'aurais qu'à faire semblant de tomber dessus, et elles s'apercevraient de rien.

Herbert : Eh non, c'est pas comme ça qu'il faut faire.

Oscar : Non ? Alors comment il faut faire ?

Herbert : Faut leur dire des choses.

Oscar : Ouais, c'est ça, j'vais leur dire "Excusez-moi..."

Herbert : Tu sais très bien c'que j'veux dire. Tu peux pas accoster une fille et lui tomber dessus comme ça. Ca s'fait pas.

Oscar : Pourquoi ? Je l'ai fait à Gladys Potter.

Herbert : Ouais mais c'est une p'tite gosse de douze ans. Elle sait rien.

Oscar : C'est pas sûr. En tout cas, elle a pas rouspété.

Herbert : Elle a été surprise.

Oscar : Oui, moi aussi, y'avait rien à peloter. Hé Bernard, tu t'amènes, oui ? J'sais pas c'qu'on va faire de lui. Il n'a aucune émotion.

Herbert : Il est troublé, c'est de son âge.

Oscar : Oui. C'est comme moi. Je m'réveille au milieu de la nuit en ce moment. Toutes les nuits.

Herbert : Ouais, c'est normal. Moi aussi.

Oscar : Toi aussi ?

Herbert : Oui.

Oscar : Ben ouais, mais... je m'réveille comme un dingue. Et je pense à Vera Miller.

Herbert : Et alors ?

Oscar : Alors ? Je déteste Vera Miller. Tu crois que j'suis amoureux d'elle ?

Herbert : J'en sais rien, moi.

Oscar : Non, j'peux pas être amoureux d'elle, puisque j'la déteste.

Herbert : Quel genre de pensées tu as à propos d'elle ?

Oscar : Benh, j'ai oublié.

Herbert : Alors qu'est-ce que tu veux que j'fasse pour toi ?

Oscar : Personne te demande de faire quelque chose pour moi.

Bernard : De quoi vous parlez, tous les deux ?

Oscar : De choses que tu comprendrais pas.

Bernard : Oh, va te faire voir !

Oscar : C'est justement de ça qu'il est question, Bernard. Dis dons, si au lieu de m'envoyer aller m'faire voir, t'aller voir une fille, toi ?

Bernard : Ouais, d'accord.

Oscar : Haa, d'accord qu'il a dit ! Ca c'est quelque chose ! Tu saurais même pas pas où commencer.

Bernard : Si, j'saurais.

Oscar : Alors, par quoi tu commencerais ?

Bernard : Pas la peloter !

Oscar : Mais non, par l'embrasser.

Bernard : T'as pas embrassé Gladys Potter.

Oscar : Parce que j'avais pas le béguin pour elle. Quand on a le béguin pour une fille, on l'embrasse d'abord ! C'est pas vrai, Herbert ?

Herbert : C'est plus poli.

Bernard : En tout cas, c'est pas forcé.

Oscar : Mais si, c'est forcé, hé cloche !

Bernard : C'est pas vrai !

Oscar : Aah, qu'est-ce que t'en sais ?

Bernard : J'l'ai lu dans un bouquin.

 

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Bernard : Si ma mère savait que j'ai pris c'bouquin ! Il n'est pas à moi ! Il n'est pas non plus à ma mère ! Il appartient aux gens qui nous louent la maison. Si vous faites des taches, j'vous préviens, c'est vous qui trinquerez ! Ha, ma mère va s'apercevoir qu'il est plus là. C'est le plus gros livre de l'étagère. J'en ai fait tomber dix en le prenant !

Herbert : Dépêche-toi, quoi.

Oscar : J'peux pas lire aussi vite que toi.

Herbert : Allez, tourne !

Oscar : Tu crois que c'est vrai tout ce qu'ils disent là-dedans ?

Herbert : Oh oui, c'est un bouquin médical. Ils racontent pas d'histoires.

Oscar : Mais... mais comment ils prennent ces photos-là ?

Herbert : Ils doivent avoir des appareils spéciaux.

Oscar : Oh, penses-tu, aucun drugstore ne voudrait les développer ! Si on portait des trucs pareils au père Sanders, on s'ferait mettre en maison de correction.

Herbert : Oui, sans doute qu'ils les développent eux-mêmes. Oui, je pense que c'est comme ça qu'ils doivent faire.

Bernard : Laisse-moi voir.

Oscar : Oh, vas-t-en, Bernard ! Ca va te faire baver.

Bernard : Mais c'est à moi, c'bouquin !

Herbert : Oh tu peux le laisser voir, merde.

Oscar : Tiens, là ils le font !

Herbert : J'crois pas que ça soit ça.

Oscar : Benh si tu crois pas, c'est dommage pour toi parce que, quand ce sera ton tour de l'faire, il vaudra mieux que tu saches.

Bernard : Oh non, c'est pas comme ça. Mon père et ma mère font jamais ces trucs-là ! Jamais !

Oscar : Pourquoi ça ?

Bernard : Parce que c'est stupide.

Oscar : Oh écoute, je regrette beaucoup de te l'apprendre, mais c'est comme ça qu'on fait.

Bernard : Dites, vous avez intérêt à pas me charier, parce que ça pourrait être dangereux pour vos gueules.

Herbert : Oh écoute, Bernard, si tu regardes simplement les photos comme ça, bien sûr que ça a l'air bête. Mais quand deux personnes s'aiment, il paraît que ça peut vraiment faire plaisir.

Bernard : Oh, qu'est-ce que t'en sais ? Tu l'as jamais fait, alors tais-toi.

Herbert : C'est c'qui est marqué dans l'bouquin. En noir et blanc et en couleurs. C'est pour ça qu'on s'embrasse d'abord ! C'est la meilleure manière de faire connaissance. Une fois que les gens se connaissent, ils deviennent amoureux et une fois qu'ils sont amoureux, ils font l'amour.

Oscar : Pré-li-mi-naires, ça s'appelle "préliminaires" ! Euh, d'abord, tout le monde se déshabille, et après on fait les préliminaires. Ensuite, lui il fait ça. Et puis elle, elle fait ça ; lui, il fait, ça, et en moins de deux, ils sont en train de se grimper ! C'est tout ce qu'il y a de plus simple, tu avoueras ! Tu sais, moi aussi, avant de voir les photos, je croyais que c'était pas possible, ces choses-là. Mais c'est des photos prises d'après nature. C'est pas comme des dessins. Moi, j'en ai vu des dessins. Ca, c'est des vraies photos. 

 

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Herbert : Mais qu'est-ce que tu fous ?

Oscar : Eh bien je fais deux copies, une pour moi et une pour toi. Tu pourras l'avoir tout le temps sous la main pour l'étudier et la consulter.

Herbert : Mais à quoi ça va me servir ?

Oscar : Tu vas pas t'amener chez une fille avec un livre sous le bras, alors j'en fais un résumé point par point. Si tu suis exactement, ça marchera.

Herbert : Ecoute, j'suis bien embêté. J'crois que j'ai des sentiments profonds pour elle.

Oscar : Et alors ?

Herbert : Alors j'veux pas juste coucher avec elle. J'la respecte.

Oscar : Herbert, il y a une chose qu'il faut que tu comprennes. C'est très bien de respecter une fille, mais elle ne te respecte pas si tu n'essaies pas de coucher avec elle.

Herbert : J'crois pas à ça.

Oscar : Mais c'est vrai, c'est mon frangin qui m'la dit. Toutes les femmes sont comme ça. Elles veulent qu'on essaie, même si elles ne marchent pas. Parce que, même si elles ne te laissent pas faire, elles veulent que tu essaies.

Herbert : J'cois que je vois ce que tu veux dire, oui.

 

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Herbert : Vous allez bien ?

Dorothy : Très bien, merci, et vous ?

Herbert : Pas mal.

Dorothy : Bien. Quelle merveilleuse matinée ! Ca sera une belle journée, je crois.

Herbert : Ah oui, je crois aussi. Au fait, les boites qu'on a mises au grenier, tout va bien ?

Dorothy : Oui-oui, ça va très bien, elles sont toujours en place.

Herbert : Elles sont mieux là-haut.

Dorothy : Mmmmh.

Herbert : Oh je vous aurais invitée au ciné, mais c'est le même film. Vous voulez le revoir ?

Dorothy : Oh, non, non, merci.

Herbert : Au fond, j'vous comprends, quand on connaît la fin, ça perd tout son intérêt.

Dorothy : Oui. 

 

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Herbert : Vous n'avez pas chez vous d'autres objets lourds à déménager ?

Dorothy : Oh, non, je vois pas pour l'instant.

Herbert : Si vous vouliez quelque chose, faut pas vous gêner.

Dorothy : Entendu, j'y penserai, merci.

Herbert : Vous serez chez vous ce soir ?

Dorothy : Pardon ?

Herbert : Je pensais que je pourrais peut-être passer. Je dois justement aller par-là.

Dorothy : Alors vous n'aurez qu'à passer.

Herbert : Je suis pas tout à fait sûr de pouvoir, hein, alors comptez pas trop sur moi.

Dorothy : Bien. Oh, il commence à être tard, il faut que j'aille à la poste, je dois expédier des lettres.

Herbert : J'peux vous les porter si vous voulez.

Dorothy : Oh, non, non merci, c'est un peu compliqué, c'est pour l'étranger, merci quand même.

Herbert : Hé, dites, j'connais même pas votre nom.

Dorothy : Dorothy.

Herbert : J'ai eu une chatte qui s'appelait comme ça. Elle est passée sous un camion.

Dorothy : Au revoir.

 

¤     ¤     ¤

 

Herbert : Oh dis donc, c'est dingue !

Oscar : Quoi ?

Herbert : Le numéro III !

Oscar : Qu'est-ce que ça a de dingue ?

Herbert : Jamais j'ai entendu ce mot-là !

Oscar : C'est du latin. Les gars qui ont trouvé ça étaient des latins.

Herbert : J'sais même pas comment ça s'prononce !

Oscar : Ne le prononce pas, fais-le.

Herbert : Mais je sais même pas où ça se tient ! Et de quoi est-ce qu'ils parlent au numéro 4 ?

Oscar : C'est aussi du latin, tout est en latin, tu vois pas ?

Herbert : Ah oui, alors j'vais lui demander où se trouvent tous ces trucs-là ?

Oscar : Oh, ils sont tous à peu près au même endroit. Cherche t tu trouveras. Et puis d'ailleurs, elle sera là pour t'aider.

Herbert : Oh oui, j'espère, parce que je vais vachement avoir besoin d'aide.

Oscar : Le numéro VI, Herbert, c'est très important.

Herbert : Préliminaires ?

Oscar : Oui, c'est un mot qui revient à tout bout-de-champ.

Herbert : N'empêche que j'sais toujours pas quoi faire. J'vais pas lui dire "On fait un coup de préliminaires" ?

Oscar : Je t'ai déjà dit que tu n'avais pas besoin de parler.

Herbert : Tu crois ça ? Au numéro II, ils disent en toutes lettres qu'il faut converser.

Oscar : Oui, mais quand tu arrives au numéro VI, tu n'as plus besoin de rien dire, tu pousses des gémissements. Des gémissements, c'est tout.

Herbert : Mais elle croira que j'ai mal au cœur.

Oscar : Non, elle poussera aussi des gémissements.

Herbert : Ca risque de faire du chahut. Bon Dieu... Dis donc, Oscar, si je vais au bout des XII paragraphes, je vais lui faire un gosse ? J't'assure que j'tiens pas à avoir un gosse à mon âge ! Oh, j'aime mieux laisser tomber !

Oscar : Oh c'est pas croyable c'que tu peux être balo.

Herbert : J'suis peut-être balo, mais j'ai pas du tout envie d'être père. Deux maux ne font pas un bien.

Oscar : Prends des précautions. Mets une capote anglaise. T'as jamais entendu parler des capotes ?

Herbert : Si, bien sûr, j'sais c'que c'est.

Oscar : Alors ça va. Tu n'as qu'à en mettre une, c'est tout. Moi, j'ai déjà la mienne. Quand mon frère est parti à l'armée, il m'en a fait cadeau. J'la porte toujours sur moi depuis c'teps-là. Elle me sert de talisman.

Herbert : Combien tu m'la vendrais ?

Oscar : Elle me vient de mon frère. J'la vends pas, c'est un bijou de famille ! Tu n'as qu'à t'en acheter une autre. Y'en a au drugstore.

Herbert : Oh, j'peux pas risquer l'coup ! Puis il verrait bien que j'ai pas encore l'âge ! Et puis d'ailleurs, j't'apprendrais qu'il y a tout le temps des femmes dans le drugstore.

Oscar : Où et-ce que tu espères en trouver ? Dans un magasin de sport ?

Herbert : Enfin, si t'étais un vrai copain, tu me prêterais la tienne !

Oscar : Quoi ?

Herbert : J'te la rendrai !

Oscar : Oh-ho, Herbert, j'commence à croire sérieusement que tu dois être pédé !

Herbert : Tout va bien, j'te remercie.

Oscar : Non, non, j'veux dire que tu n'connais rien de rien. Une capote anglaise, ça ne sert qu'une fois. Seulement une fois et seulement pour une personne. On ne pet jamais la partager, même avec son meilleur ami.

Herbert : Oh... Y'a qu'à laisser choir, tant pis.

 

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Le droguiste : Qu'est-ce que vous cherchez ? J'pourrais peut-être vous aider à trouver.

Herbert : Oh,... je l'saurai en le voyant.

Le droguiste : Pourquoi ne me dites-vous pas ce que vous cherchez ?

Herbert : Oh,... j'vais vous l'dire. Je viens juste de me rappeler.

Le droguiste : Hein, oui ?

Herbert : J'voudrais une glace, à la fraise.

Le droguiste : Très bien, venez avec moi. Simple ou double ?

Herbert : Vous pouvez m'en donner une triple.

Le droguiste : Voilà, ça fait dix cents.

Herbert : J'aurais besoin d'autre chose, j'viens de me rappeler.

Le droguiste : Oui, qu'est-ce que c'est ?

Herbert : Un peu de chocolat.

Le droguiste : Bon, très bien. Du chocolat. Et voilà.

Herbert : J'vous remercie.

Le droguiste : Ca nous fera douze cents. Vous désirez autre chose ?

Herbert : Euh, oui, je regrette de vous déranger, mais je...

Le droguiste : Parlez, je vous écoute.

Herbert : J'peux avoir une serviette ?

Le droguiste : Oui, voilà. Et avec ça ?

Herbert : Est-ce que j'peux avoir des capotes ?

Le droguiste : Pardon ?

Herbert : J'ai entendu dire que vous en avez.

Le droguiste : Que j'ai quoi ?

Herbert : Oh, voyons, vous savez bien.

Le droguiste : Des préservatifs ?

Herbert : Oui ! Voilà.

Le droguiste : Et vous avez l'intention d'en acheter.

Herbert : Oui.

Le droguiste : Pourquoi faire ?

Herbert : Oh, j'pense que vous devez l'savoir.

Le droguiste : Très bien. Quelle marque ?

Herbert : Quelle marque ?

Le droguiste : Oui, quelle marque ? Quel modèle ?

Herbert : L'habituelle.

Le droguiste : Oh, vous savez, il y a plusieurs marques.

Herbert : Ne les étalez pas, c'est pas la peine !

Le droguiste : Alors, lequel voulez-vous ?

Herbert : Le paquet bleu.

Le droguiste : Et combien en voulez-vous ?

Herbert : Oh, trois douzaines ?

Le droguiste : Vous prévoyez une belle nuit !

Herbert : Oh, juste comme d'habitude.

Le droguiste : Ca nous fera douze dollars.

Herbert : Douze dollars !?

Le droguiste : Et pour le cornet de glace douze cents en plus.

Herbert : Ca ferait combien pour une douzaine ?

Le droguiste : Quatre dollars.

Herbert : J'en aurais combien pour un dollar ?

Le droguiste : Trois.

Herbert : J'en prendrai deux.

Le droguiste : Je regrette mais c'est en paquet de trois.

Herbert : Alors est-ce que vous pourriez me faire crédit pour la glace ?

Le droguiste : Ecoutez, mon garçon, on a bien le droit de s'amuser, mais quel âge avez-vous ?

Herbert : Seize ans.

Le droguiste : Quel âge ?

Herbert : A mon prochain anniversaire.

Le droguiste : Qu'est-ce que vous pensez faire avec ça ?

Herbert : Eh benh, c'est pour mon frère, mon frère aîné.

Le droguiste : Pourquoi est-ce qu'il ne vient pas les acheter lui-même ?

Herbert : Il est malade.

Le droguiste : Eh bien pourquoi en a-t-il besoin ?

Herbert : Pour quand il ira mieux. Il est dans les Rangers.

Le droguiste : Oh. Est-ce que vous savez quel usage on doit en faire ?

Herbert : ... Oh oui, on commence par les remplir d'eau et on les jette du haut d'une fenêtre.

Le droguiste : Très bien, je voulais seulement m'assurer que vous saviez comment on n'en servait.

Herbert : Bien sûr que je l'sais. Mon frère m'aurait jamais envoyé en acheter sans m'expliquer à quoi ça servait.

Le droguiste : Bon, alors ça fera un dollar tout compris, avec le cornet de glace.

Herbert : D'accord. Merci beaucoup.

 

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Oscar : On s'est disputés cet après-midi. Alors après, j'ai été chez elle pour lui dire que je regrettais. Elle avait l'appendicite, tu te rends compte !? Il a fallu la transporter d'urgence sur le continent. Oh, mais je regretterais qu'on lui coupe les nichons pour l'opérer !

Herbert : Oh, y'a pas d'raisons pour que l'entaille aille si loin.

Oscar : Elle me dit qu'elle veut plus de moi et après elle se paie une appendicite. Elle peut rien faire sans exagérer.

 

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Lettre de Dorothy : Cher Herbert, il faut que je reparte. Je suis sure que vous comprendrez, j'ai beaucoup de choses à faire. Je ne veux pas essayer d'expliquer ce qui s'est passé hier soir, parce que je suis sure que plus tard, dans votre souvenir, vous en trouverez la vraie raison. Je ne vous oublierai pas. J'espère que toutes les tragédies absurdes vous seront épargnées. Je vous souhaite tout le bien possible, Herbert. Rien que du bien. Toujours. Dorothée.

 

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Voix off de Herbert : Je ne devais jamais la revoir. Ni savoir ce qu'elle est devenue. En ce temps-là, les jeunes étaient différents. Nous n'étions pas comme ceux d'aujourd'hui. Il nous fallait plus longtemps pour comprendre ce que nous éprouvions. La vie est faite de changements, petits ou grands. Pour chaque chose qu'on acquiert, on en abandonne une autre. Pendant l'été quarante-deux, nous avons attaqué quatre fois le poste de garde-côte, nous avons vu cinq films et eu neuf jours de pluie. Bernard a cassé sa montre. Oscar a abandonné l'harmonica et d'une manière bien particulière, j'ai perdu Herbert, pour toujours.

 

> Pour écouter : lettre et voix off de fin.WMA

 

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> Et en musique, trois vidéos : http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/06/17/un-ete-42.html