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mardi, 04 novembre 2014

Frédéric B

 

Beigbeder

 

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"Grâce à lui (L'Attrape-cœur), j'ai découvert qu'on avait le droit de tout critiquer.
Depuis, je n'ai jamais arrêté."

"Je me sens un peu limité dans mon corps de Frédéric Beigbeder qui a presque cinquante ans.
Je préférerais de loin être une jeune fille new-yorkaise,
avec un collier de perles, en 1940."

"C'est dangereux un écrivain parce que c'est mégalo [...] et en plus, souvent, ils ne sont pas complètement stupides donc ce sont des dangers publics. Ce sont des pilleurs, des menteurs, des mythos, des égoïstes, des nombrilistes."

 

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Entretien avec Frédéric Beigbeder, Judith Kerber, Metro, le 25 septembre 2014 :

 

C'est une histoire d'amour qui ne va ps faire mentir la chanson. Dans son nouveau roman, Oona & Salinger, Frédéric Beigbeder relate la rencontre entre J. D. Salinger, l'auteur de L'Attrape-cœurs, et Oona O'Neill, future Madame Chaplin.

 

Quand avez-vous découvert L'Attrape-cœurs ?

J'ai découvert ce roman à l'âge de 14 ans et j'ai eu l'impression qu'il avait été écrit pour moi. J'étais le contraire de Holden [le personnage principal, un ado viré de son collège, qui passe trois jours à déambuler dans New York pour éviter de rentrer chez ses parents, ndlr]. Il passe son temps à se plaindre. Il est enragé. Moi, j'étais un petit garçon très bien élevé, très poli, très obéissant. Grâce à lui, j'ai découvert qu'on avait le droit de tout critiquer. Depuis, je n'ai jamais arrêté.

 

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à cette histoire que Salinger a eue avec Oona O'Neill ?

Parce que je suis un grand romantique, je suis très fleur bleue. J'adore les histoires d'amour ratées. Je trouve ça beau. Salinger s'est fait larguer pour Chaplin, en pleine Seconde Guerre mondiale. J'imagine que ça m'a fait penser à mes nombreux râteaux.

 

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On vous sent très proche de ces personnages...

Oui, j'avais envie d'être avec ces gens-là, d'être ces gens-là. C'est le miracle du roman. Vous choisissez des personnages et puis vous devenez eux pendant quatre ans. Je me sens un peu limité dans mon corps de Frédéric Beigbeder qui a presque cinquante ans. Je préférerais de loin être une jeune fille new-yorkaise, avec un collier de perles, en 1940.

 

Dans le livre, une copine d'Oona définit les écrivains comme des "égocentriques affreusement intelligents", ça vous correspond ?

Oui très bien. Toutes les saloperies que je dis dans le livre me concernent malheureusement. C'est dangereux un écrivain parce que c'est mégalo. C'est un métier assez prétentieux et en plus, souvent, ils ne sont pas complètement stupides donc ce sont des dangers publics. Ce sont des pilleurs, des menteurs, des mythos, des égoïstes, des nombrilistes. Et en plus, ils sont en liberté. Mais que fait la police ?

 

Dans ce livre, vous parlez aussi de votre femme Lara. On a l'impression qu'elle vous a assagi...

Dans la mesure où le mariage protège la santé peut-être. Quand je suis célibataire, je me couche très tard, je bois énormément alors que quand je suis marié, je suis plus sain. Mais le mariage ne m'empêche pas d'avoir peur d'être quitté.

 

Beigbeder, Frédéric

 

 

> A consulter également : http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/04/09/99f.html

 

 

lundi, 03 novembre 2014

Considérations sur l'argent - Le Marchand de Venise - Shakespeare, Al Pacino, Jeremy Irons

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Film : Le Marchand de Venise (2004, durée 2h18)

Réalisateur : Michael Radford

Antonio le marchand de Venise et protecteur d Bassanio (Jeremy Irons), Bassanio le protégé d'Antonio et prétendant de Portia (Joseph Fiennes), Leonardo son serviteur (Tony Schiena), Lorenzo l'ami de Bassanio et amoureux de Jessica (Charlie Cox), Gratiano (Kris Marshall)

Shylock l'usurier juif (Al Pacino), Jessica sa fille amoureuse de Lorenzo (Zuleilha Robinson), Lancelot Gobbo son serviteur (Mackenzie Crook)

Portia (Lynn Collins), Nerissa sa dame de compagnie (Heather Goldenhersh)

British Academy Film Award des meilleurs costumes.

 

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Voix off : Au XVIème siècle, les juifs étaient exclus, même à Venise, cité pourtant la plus puissante et la plus libérale de toute l'Europe. La loi les condamnait à vivre reclus dans la vieille fonderie, ou "Geto", de la ville. A la tombée de la nuit, la porte était fermée et gardée par les chrétiens. Tout homme sortant du ghetto pendant la journée devait s'affubler d'un chapeau rouge en signe de confession juive.

Des passants : Usurier ! Usurier !

Voix off : Les Juifs étaient interdits de propriété. Ils pratiquaient alors l'usure, le prêt d'argent à intérêt, ce qui était contre la loi chrétienne. Les Vénitiens les plus cultivés fermaient les yeux, mais les croyants invétérés qui haïssaient les Juifs, eux, leur réservaient un autre sort...

Un homme : Le juste qui obéit à la loi, ne pratique ni l'usure ni ne prend quelconque intérêt, refuse toute iniquité et fait preuve d'un jugement vrai face à un autre homme. S'il respecte mon accord et reste fidèle à l'engagement pris, alors lui et lui seul peut continuer à vivre. Mais s'il pratique l'usure et prend un intérêt, peut-il vivre, celui-là ? Non ! Il ne le peut pas ! S'il commet l'un de ces sacrilèges, alors il doit mourir, car ainsi le veut Dieu. Et pourtant, le vol et le brigandage sont votre pain quotidien. Car l'usurier est un voleur qui mérite la potence sept fois plus que les voleurs ordinaires. De vos pieds et pécheurs vous piétinez un à un tous les commandements de Dieu !

 

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dimanche, 02 novembre 2014

Maîtrise ou orchestration ?

 

Maîtrise ou orchestration,

que fait le chef d'orchestre ?

 

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Walter, crédits photographiques Ilona Maras

 

 

Maîtrise ou orchestration,

que fait le chef d'orchestre ?

 

 

J'ai moi-même longtemps pensé que le chef d'orchestre donnait des ordres, en particulier lors du concert. Eh bien non, en fin de comptes, il ne donne pas d'ordres, il demande. Il ne dit pas quoi faire, ni comment. Il demande à chacun de produire un résultat final : il peut demander que le son soit "rond", ou "vertical", ou nuancé de telle manière. Il va demander à chacun d'entrer comme ceci à cet endroit, comme cela à tel autre endroit. Après, chacun est maître de son instrument et tentera d'accéder aux demandes du chef d'orchestre, en livrant le son demandé.

Et il y a quelques façons d'aboutir à un résultat. Pour donner un exemple, un fortissimo sera joué par tel pianiste en contractant ses muscles, tel autre en utilisant le poids de son dos, un autre encore en faisant appel à ses nerfs, son souffle ou une humeur. Chacun a sa méthode. Il y a autant d'écoles que de professeurs. Et puis on peut avoir sa petite cuisine interne.

Et comment sait-il, le chef d'orchestre, comment chaque son doit être ?

Eh bien il voit le tableau. Le tableau final de l’œuvre. Peut-être au sens où Mozart voyait son œuvre sous forme de tableau final avant de procéder à son écriture, à sa transcription dans l'encre, à son ancrage dans le papier et dans chaque instrument individuellement.

Ce tableau de Fran Angelico récemment rassemblé, qui avait été découpé par des marchands en son temps pour en tirer plus de profit, peut servir ici de métaphore. L'oeuvre musicale, prenez une symphonie de votre choix, est le tableau entier. Chaque mouvement, un panneau. Chaque mouvement raconte une histoire et peut s'écouter pour lui-même. Et rassemblés, les mouvements forment un tout.

On peut penser aussi à des toiles de Bosch, celles aussi qui comportent des panneaux, ou encore de très célèbres plafonds d'église et de monuments.

 

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La Thébaïde, Fra Angelico
http://onditmedievalpasmoyenageux.fr/la-thebaide-de-fra-a...

 

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La tentation de saint Antoine, Bosch

 

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Le Christ aux limbes
, Bosch

 

Et les gestes alors ? Et la baguette ? Elle donne bien des ordres, du moins le tempo...

Le tempo, oui. La main du chef d'orchestre est le pouls. Et il faut apprendre en tant que musicien à caler son pouls sur celui d'un autre. Comme on peut synchroniser sa respiration avec celle de son amant quand on s'endort dans ses bras. Dans l'orchestre ou dans le chœur - car ici tout ce que je pense avoir appris vient d'un chœur de chant -, il faut apprendre à caler son pouls sur celui du chef, et cela par les yeux : voir la main, s'en imprégner et suivre le tempo avec tout son corps. Ce qui n'est pas une mince affaire quand on a appris au métronome tic-taquant. D'ailleurs, les métronomes électriques avec diode lumineuse trouvent ici une utilité renforcée.

La baguette, la main, le pouls. Et tous ces mouvements dans l'air au concert ?

Ces mouvements sont encore moins des ordres. Le chef d'orchestre n'est pas un contremaître. Ces mouvements ressemblent à ceux de la main du paysan qui cueille le son comme un fruit mûr dont il aura planté les graines auparavant. D'ailleurs, le moment de la représentation, du concert, n'est plus un moment où l'on pourrait demander quoi que ce soit. La grande organisation est en marche. La main initie le pouls et le transmet. Installée dans la première loge, et dos au public, elle cueille, tandis que les oreilles et la peau de l'auditoire reçoivent les vibrations émises par l'ensemble des musiciens.

A un niveau infra, chaque musicien a une écoute unique et triple : il doit entendre son propre jeu car il est en première ligne pour savoir si ce qu'il produit est conforme ; ensuite et en même temps, il entend ses voisins directs, qui peuvent jouer du même instrument que lui, ou chanter dans la même tessiture, avec qui il peut aussi partager strictement la même partition, sorte de doubles d'eux-mêmes ; enfin, et toujours en même temps, il entend le reste de la formation, les instruments très différents, des tessitures très différentes, parfois plus faciles à entendre - comme les basses et les sopranes -, parfois plus difficile - car situés entre les extrêmes, comme les altos. Il y a un concert à l'intérieur du concert, où chaque siège de l'orchestre - celui où se trouvent les musiciens - reçoit un son qui est dans une perspective unique.

Voilà pour l'orchestration. Et la maîtrise ?

Comme vous l'aurez déjà compris, le chef d'orchestre n'a pas besoin de maîtriser le jeu de chaque instrument. Sinon nous aurions sans doute moins de chefs d'orchestre... Il doit avoir pensé l’œuvre au préalable. Il doit savoir en somme le résultat qu'il veut obtenir, ce fameux tableau, emprunt de ce qu'il a compris du Sens que le compositeur a donné à son œuvre. Si vous écoutez plusieurs versions d'une même symphonie, vous verrez immédiatement à quel point elles sont différentes, empreintes de la volonté du chef d'orchestre. Un même musicien peut avoir interprété sa partition de manière radicalement différente selon qu'il a été sous la direction d'un chef d'orchestre puis d'un autre. Et un chef d'orchestre peut avoir obtenu des résultats similaires en dirigeant deux orchestres différents. Toutefois, les choix d'interprétation d'un même chef d'orchestre peuvent nettement varier dans le temps. Certaines œuvres dirigées par un chef d'orchestre de génie et à un âge mûr ont quelque chose de transcendantal... Donc le chef d'orchestre ne maîtrise pas le jeu de chaque instrument, mais l’œuvre dans sa globalité. Comme nous l'évoquions en début, il va demander à chaque musicien un résultat, à charge pour chacun de le fournir grâce à la maîtrise de son instrument. Le maître à bord, et l'on dit bien "maestro", c'est le chef d'orchestre. On pourrait aller jusqu'à dire le maître d’œuvre. Mais pas le contremaître. Celui qui maîtrise l'instrument reste le musicien seul, même s'il peut recevoir les conseils avisés d'un chef d'orchestre pianiste, violoniste, chanteur ou autre.

Et permettez que nous terminions en évoquant Glenn Gould, penseur génial de la Musique, au point qu'il réalisa de véritables orchestrations de son jeu au piano. Le piano est un instrument qui est dit "symphonique", parce qu'il cumule fréquemment deux ou trois voix (plus parfois) auxquelles s'ajoute l'accompagnement qui peut lui aussi être décomposé en plusieurs voix, le tout joué par seulement deux mains (les pédales amplifient le son produit par les mains, ou le réduisent, sans ajouter de voix, contrairement à l'orgue dont le jeu de pédales produit un son en lui-même). Les interprétations de Glenn Gould ont cela de particulier qu'elles sont uniques, pensées, géniales, et que ce travail est comparable à celui du chef d'orchestre tel que nous l'avons ici expliqué. L'on sait que Glenn Gould avait trafiqué sa chaise et son piano, qu'il marmonnait ou chantonnait par-dessus son jeu, et l'on peut voir une main dans l'air. Le résultat est époustouflant tant ses interprétations sont uniques : il prend très souvent le contrepied des convenances : Glenn Gould chevauche là où les autres s'enlisent dans le coton, il ralenti à l'extrême et retient le temps là où les autres trottinent à tue-tête. Il ose faire comme si la pédale n'existe pas là où tous avant lui l'ont utilisée. Je suis presque toujours d'accord avec ce qu'il fait. Si je ne suis pas d'accord, c'est que je n'ai pas encore compris.

 

Jana Hobeika

 

Glenn Gould (1932-1982)
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samedi, 01 novembre 2014

Contre-Etymologie - On a castré du mot

 

On a castré du mot,
Et on n'a pas fini.
La langue se meurt.
L'Homme avec.
Verbe !!

 

Puisque les bourreaux sont impourchassables,
Faudrait au moins décréter un jour férié pour les mots martyres.

 

sollers,paradis
azartaz/Flickr

 

 

Extrait de "Fini Dieu le Père, vive Dieu le parent n°1 !", 30décembre 2012, Gabrielle Cluzel, Boulevard Voltaire :

 

Source pour la version intégrale http://www.bvoltaire.fr/gabriellecluzel/fini-dieu-le-pere...

 

Ouf, ce qu’on est soulagé. Cette fois c’est fait, l’association qui avait déposé le recours vient d’être déboutée : Le mot « mademoiselle » va disparaître définitivement des imprimés administratifs. Ce mot que d’aucunes, naïves comme moi, trouvaient peut-être charmant, juvénile et flatteur était en fait insultant et inquisiteur, puisqu’il sous-entendait, si d’aventure vous le cochiez, que vous n’étiez qu’un boudin n’ayant pas encore trouvé chaussure à son pied.

Autrement dit, quand vous remplirez votre feuille d’impôt, votre avis de contravention, ou votre fiche d’inscription à Pôle emploi, vous aurez l’ineffable plaisir de ne plus avoir à choisir qu’entre deux mentions : Monsieur ou Madame. Tout de suite, votre journée s’en trouvera formidablement éclairée.

Cette belle victoire revient à l’association Osez le féminisme et aux Chiennes de garde qui avaient initié en septembre 2011 une campagne intitulée « Mademoiselle, la case en trop ». De vous à moi, on se demande plutôt, Mesdames, si ce n’est pas vous qui avez une case en moins. Notez que votre succès féministe est double : vous venez en sus de montrer qu’il n’est pas nécessaire d’être doté de virils attributs pour arriver à enc…. les mouches.

Et vous n’êtes pas les seules féministes à vous adonner à cette pratique zoophile : en Allemagne, elles aiment bien aussi. La ministre de la Famille allemande, Kristina Schröder, à la faveur de Noël, a déclaré estimer opportun de remplacer l’article masculin « der » devant le mot de Dieu par l’article « das » (neutre), ce qui permettrait donc de troquer Dieu le Père (figure tutélaire machiste), contre Dieu le parent n°1. Elle ne s’est pas encore prononcée pour le Fils et le Saint-Esprit mais elle doit être en train de bosser sur le dossier. [...]

Je vous dis moi qu’il n’y aura bientôt plus de case du tout sur les papiers : ce choix entre « Monsieur » ou « Madame » a un côté tellement France d’avant-guerre. De quoi je me mêle ? Si certains ont envie d’être Monsieur en costard le jour et Madame en bas résille la nuit, ça regarde peut-être l’administration ?

Et tiens, si comme les Allemands, on créait un article neutre ? Ni « le », ni « la », mais, par exemple, « li », ce qui donnerait : « Li Bon Dieu », « Li chef », « Li Président », « Li Français qu’on prend pour un abruti ». [...]