Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 23 avril 2015

La vie d'un honnête homme - Guitry, PEPA

 

sacha guitry, guitry

 

 

Guitry proclamait volontiers qu'il fût "un homme heureux"... Or, on oublie souvent que le bonheur ne rend pas forcément gai. Et, s'il encourage parfois à la bonté, ce n'est pas pour autant qu'il doive immanquablement pousser à l'indulgence.

Je pense que peu de gens - et même, d'amateurs ou admirateurs du talent de Sacha - connaissent ce film... fort peu fréquenté, et encore plus rarement rediffusé, contrairement aux plus célèbres... qui finissent, avouons-le - même, si on y prend un indiscutable plaisir - par "tourner en boucle"... et par nous priver du revers fort intéressant de la personnalité du bonhomme.

C'est pourtant un chef-d’œuvre amer et sans espoir, - d'une drôlerie grinçante, et dont le parfait immoralisme recèle une cruauté lucide, pas éloignée, avant la lettre, de l'absurde de Beckett ou Ionesco... sortie de ce qu'il a de pire et de plus lucide dans Mirbeau, Jules Renard, - et même, chez Tristan Bernard, et plus sûrement encore, pour peu qu'on y aille voir de près, chez les "deux Alfred" : Jarry et Capus... dont Guitry aimait tant à citer le célèbre : "Dans la vie, tout s'arrange toujours ; - même, mal"...

Hâmûr, famille, convenances, mensonges, raison sociale, vertus et apparences... et, jusqu'à la mort elle-même : rien n'en réchappe... et, cette fois, ce n'est pas du tout d'un éclat de rire léger - quoique ravageur -, que sont pulvérisés tour à tour, devant le spectateur, tous ces complaisants miroirs à illusions.

Ici, nous avons affaire au Guitry qui, encore transi par la douche froide qu'il a reçue en 44, note dans ses carnets cette phrase d'Ambrose Bierce : "Dos : partie de l'anatomie de vos amis que vous avez tout loisir d'examiner, lorsque vous vous trouvez dans le malheur, les ennuis ou l'adversité...", et qui place son film sous l'invocation du mot, non moins impitoyable, de Joseph de Maistre : "J'ignore ce qu'est l'existence d'un voyou : je ne l'ai jamais été. Mais, je sais que la vie d'un honnête homme est une chose abominable".

Bref...

Le noir est la couleur qui sied le mieux à l'humour ; - d'aucuns iront même, dont moi, jusqu'à dire que c'est la tenue de soirée, l'élégance en frac du pessimisme absolu.

 

Pierre-Emmanuel Prouvost d'Agostino
18 février 2015

 

Les commentaires sont fermés.