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jeudi, 12 juin 2014

Mon frère vit à Los Angeles..."those dick suckers without any talent"

 

The-Los-Angeles-Anniversary.png
Source : http://www.laimyours.com/21708/the-los-angeles-anniversary/

 

Edito d'Aude Walker, rédactrice en chef du magasine gratuit Stylist, N°048, 15 mai 2014 :

 

Plastic People

 

Mon frère vit à Los Angeles, cette ville-autoroute hantée par des gens en plastique et le Saint-Esprit du cinéma. Chaque année, au début du mois de mai, à l'occasion de son anniversaire, je vais lui rendre visite et épingler mon mauvais esprit à ce ciel désespérément bleu.

Il vient me chercher à LAX, je grimpe dans sa jeep des années 90 remontée sur des roues de truck et c'est parti pour la promenade de vanité.

Devant le cinéma que se fait cette ville, devant l'injonction quotidienne au divertissement et le règne de la dramaturgie, on se métamorphose en duo de commentateurs sportifs. Une robe longue pailletée pour aller petit déjeuner ? Ok... Elle a 15 ans ou 70 ans ? Je ne vois pas d'ici... C'est bien un tatouage "TUNA" qu'il a sur le bras ?...

Une fois qu'on a fini, mon frère gare son camion et va discuter avec ses copains du quartier. Il a pas mal d'amis qui vivent dans la rue. Dans cette ville où la population passe sa vie terrée dans des voitures, les clochards sont, avec les joggeurs et les dog-walkers, les seules silhouettes que l'on croise dans les rues.

Il me présente Ray, son nouveau buddy. Ray porte la barbe et les cheveux longs, un casque de chantier sur les oreilles et vit sur un banc de Sunset Boulevard. La nuit, il dort sous des affiches de cinéma cartonnées. Et quand le soleil brille, il aime raconter ses autres vies. Ce jour-là, mon frère va acheter de la Lemonade pour tout le monde et Ray narre sa première existence de réalisateur. Il dit que c'était un grand. Il dit qu'il aurait pu être un des plus grands si on ne lui avait pas piqué Transformers. C'était son idée, c'était sa série dans les années 80. Poussés par la mafia, avec laquelle ils entretiennent des liens très forts, les studios ont placé "those dick suckers without any talent". Et le cinéma a laissé Ray sur le trottoir.

Mais heureusement, il a ces centaines de films en tête qu'il refait défiler la nuit pour conjurer la peur et la faim. Et heureusement, parfois l'ouvreur du cinéma Laemmle Sunset Five, qui l'aime bien, le laisse se glisser dans une salle obscure et Ray peut découvrir de nouveaux films européens. Mythe ou réalité ? Dans cette ville, on oublie de se poser la question. En tout cas ce jour-là, j'écoute Ray me parler de sa rencontre avec Brian De Palma, ses yeux brillent comme les enseignes des strip-clubs de la ville et je décide de tout croire.

 

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Source : http://www.brobible.com/life/article/security-guard-shot-...

 

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