mercredi, 01 janvier 2014
Icône j#4 - La tradition orientale des icônes
Article "La tradition orientale des icônes", in La revue Passy Notre-Dame, numéro 522, décembre 2013, Jean-Christophe Moreau :
Des l'origine, les chrétiens ont cherché à avoir chez eux des images (du grec eikona) représentant le Christ, la Vierge Marie, des saints... La tradition veut même que ce soient des apôtres qui aient peint les premières icônes (saint Luc aurait peint la première icône de la Vierge Marie).
Sur ce point, catholiques et orthodoxes sont parfaitement d'accord. Là où les choses deviennent plus complexes, c'est que l'Eglise orthodoxe accorde à l'icône une très importante valeur théologique, voire liturgique, alors que l'Eglise catholique romaine a favorisé, au cours de l'histoire, l'émergence d'une esthétique propre, plus libre par rapport au culte. Comme l'exprime Léonide Ouspensky*, un des plus grands spécialistes de l'icône, aujourd'hui décédé : "pour l'Eglise orthodoxe, l'icône est un langage exprimant ses dogmes et son enseignement. C'est une théologie inspirée, présentée sous forme visuelle... Alors qu'en Occident "l'art religieux" s'est orienté vers l'humanisme et l'esthétisme dès la fin du Moyen Âge. L'icône, en Orient, est demeurée fidèle à sa vocation première : exprimer la transcendance."
Ainsi, l'icône est une "sainte image" et non une "image sainte".
Dans l'art religieux, tel qu'il s'est développé en Occident, l'artiste cherchera à exprimer ses sentiments personnels, et à les faire partager à la personne qui regardera l'oeuvre. Et la magie des "chefs-d'oeuvre" religieux c'est que - justement - cette piété est ressentie par tous, quelles que soient les époques. Qui n'a pas été profondément touché par la Pietà de Michel-Ange, les vitraux de la cathédrale de Chartres, ou encore la perfection d'une petite église romane de campagne ?
La peinture liturgique orthodoxe (qui aboutit à l'icône) procède d'un cheminement tout à fait différent : "C'est la voie de la soumission ascétique, de la prière contemplative. La beauté d'une icône, quoique comprise par chacun de ceux qui la regardent à sa façon personnelle, dans la mesure de ses possibilités, est exprimée par l'artiste objectivement, selon le refus de son moi, s'effaçant devant la vérité révélée", comme l'écrit de manière très précise Léonide Ouspensky*.
C'est ce qui est résumé - mais de manière bien incomplète - dans la formule : une icône est une prière.
La technique de peinture des icônes illustre ce cheminement : "les premières couches sont très sombres et progressivement les couleurs s'éclaircissent, pour marquer le passage des ténèbres vers la lumière de la Résurrection... La matière, entrant dans sa composition, doit être authentique. Il faut que son traitement soit conforme à la matière en question et que, de son côté, la matière soit conforme à l'emploi de l'objet. Il est essentiel que l'objet ne donne pas l'illusion d'être autre chose qu'il n'est pas. Aussi, dans l'icône, l'espace est limité par la surface plane de la planche et ne doit pas donner l'impression artificielle de la dépasser." Ibid
Mais attention, ne tombons pas dans le piège qui consisterait à penser que l'icône n'est qu'une tradition qui se perpétue. Ce serait manquer l'essentiel. L'icône est résolument dans son temps. C'est un peu comme si l'on considérait que le culte, tel que nous le pratiquons, n'est autre chose que souvenir d'un temps très ancien que nous essayons de faire revivre de la manière la plus fidèle. Ce serait faire fausse route. L'icône comme le culte sont l'expression même de la révélation divine, qui continue d'être, qui nous accompagne et vivifie notre devenir de chrétiens.
Alors, quand vous offrirez une icône à votre enfant ou votre petit-enfant, expliquez-lui bien que vous lui offrez un objet de culte.
* Mélanges de l'Institut orthodoxe français de Paris, IV, 1948, Léonide Ouspensky
07:00 Publié dans Foi | Lien permanent | Commentaires (0)
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