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lundi, 03 février 2014

Femmes - III - Sollers

 

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Crédits photographiques Sylvia El Aarabi

 

Extrait de Femmes, 1985, Philippe Sollers, Gallimard :    

 

     Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle,
     Et que languissamment je me tournai vers elle
     Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne vis plus
     Qu'une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus !
     Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante,
     Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
     A mes côtés, au lieu du mannequin puissant
     Qui semblait avoir fait provision de mon sang,
     Tremblaient confusément des débris de squelette,
     Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette
     Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer,
     Que balance le vent pendant les nuits d'hiver.

 

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Baudelaire, pipe à la bouche, par Courbet

 

J'aime Baudelaire sans conditions, moi... Je le trouve net, musical, irréductible... Très bon observateur... La moelle... L'outre aux flancs gluants... Le pus... Le mannequin... Le squelette... Le cri de la girouette qui ne peut pas ne pas évoquer la chouette... L'enseigne... La tringle de fer... La disparition dans le vent... Beau comme Macbeth... "Le goût du monde féminin fait les génies supérieurs. Je suis sûr que les dames intelligentes qui m'écoutent absolvent la forme presque sensuelle de mes expressions." Baudelaire ? Confucius ? Commentez, choisissez, justifiez votre choix, faites part de votre expérience personnelle... [...] 

En effet, il est absolument indispensable de tricher. Non pas que l'espèce dans laquelle nous sommes contraints d'accomplir notre petit tour soit tricheuse en elle-même, non, la pauvre. Simplement, elle n'a pas la force de la vérité sur ce plan. C'est-à-dire sur tous les plans. Le sexe la laisse en plan... C'est sa différence... Nombril de néant...

Au point qu'un individu né pour la désillusion ultime ne peut pas ne pas connaître dans toutes ces péripéties des révélations anticipées... Insolites... Logiques... Automatiques...

[...]

 

Philippe, Sollers, FleursPhilippe Sollers

 

Comment révéler au grand jour ce que j'ai connu dès mes premières années ? Ce que j'ai vu, deviné, senti, touché, vérifié ? La force noire dérobée des femmes... Leur radar, leur stratégie, leur permanent calcul souterrain, le mystère insensé, inconnu d'elles-mêmes, mais poursuivi implacablement en retrait ? Initié, je le suis, au plus caché des rites... La Déesse m'a reçu chez elle, appris ses philtres, montré ses lacets... Je sais comment chacune d'elles, même apparemment et consciemment la plus préservée, la plus détachée, n'est qu'un masque d'une réalité insaisissable, intraitable, grandiosement minable, manifeste seulement par crises grimaçantes, larvées... Il ne faut rien croire, jamais, de ce qu'elles montrent ni de ce qu'elles disent, c'est toujours autre chose, toujours à côté... Il ne faut pas non plus s'imaginer qu'elles possèdent la clé de leur fonction clé... Pas le moins du monde... Parfois, quelques secondes... C'est tout... Ca leur échappe... Elles sont dans l'échappée... L'évanouissement... D'où leur obsession du lieu, du nid, du point fixe, de la sécurité domicile, de la légalisation assurée... D'où leur dépression immédiate dès que le lest vient à manquer, que les rapports sont trop libres... C'est de mère en fille, ou plutôt de grand-mère en petite-fille que ça se transmet, chez elles, ce lourd, si lourd et ensorcelé problème de la régulation contrôlée... La face cachée de la galaxie, la part sous-entendue maudite, méconnue, tue, incongrue... Bonne chance au cosmonaute, donc, qui s'enfonce dans ces courants magnétiques, dans la végétation impalpable des phénomènes paranormaux... Fleurs carnivores... Chausse-trapes... Tourbillons soudains... Entonnoirs invisibles... Castrations en sous-main... Inhibitions inexplicables, paralysies, paraplégies, hémorragies nerveuses, catalepsies sous épilepsies... Décalages d'abîmes... Tressautements, dérapages... Forêt obscure du chemin de la mort en vie à travers nos gouttelettes de vie...

[...]

 

51JMW0F9P2L__SL500_.jpgSe procurer l'ouvrage :

Femmes

Philippe Sollers

1985

Coll. Folio, Gallimard

672 pages

http://www.amazon.fr/Femmes-Philippe-Sollers/dp/2070376206/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1357915467&sr=1-3

 

 

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